Comment réapprendre à se laisser traverser par les émotions ?
Cela peut être terrifiant pour les hypersensibles. C’est changer totalement son rapport aux émotions, c’est remettre de l’air, dans un corps longtemps figé. Quand j’étais petite, la colère était réprimée. Cette émotion pendant longtemps n’était pas autorisée comme chez beaucoup de femmes. C’est un enjeu pour chacun d’entre nous aujourd’hui d’oser la colère.
Physiquement, corporellement, il s’agit de réapprendre à se laisser traverser par la colère. Par exemple, la colère, on va d’abord réapprendre à sauter sur place à la manière des petits enfants qui piétinent de rage. Ou réapprendre à crier dans une voiture, dans une pièce isolée. Au début, je ne savais pas crier, c’était extrêmement douloureux pour moi. Être accompagné par un(e) thérapeute spécialisé(e) dans le psycho-corporel sera prioritaire. Pour des personnes ayant vécu des traumas très grave dans la petite enfance et qui ont mis à distance les émotions toute leur vie durant, ce réapprentissage demande un vrai courage, un véritable engagement sur le chemin de la guérison et du mieux-être.
Avant de débuter mon chemin vers le retour de la circulation des émotions, j’avais la sensation d’être coupée en deux, d’être en fauteuil roulant, que mes jambes n’étaient pas habitées. La respiration permet de mettre de la conscience dans chaque zone de son corps et de le réunifier. C’est un chemin de dix ans me concernant pour passer d’un mode totalement dissocié avec des risques aigus de décompensation et de dépression à un mode réharmonisé, réunifié.
Il est donc possible de se faire accompagner par des personnes de confiance qui ont cette compétence d’aider les personnes à se laisser à nouveau traverser par les émotions, quand celles-ci ont appris à s’en couper.
L’hyper-empathie, l’hypersensibilité émotionnelle peuvent être très inconfortables et il serait illusoire de les classer seulement du côté du super-pouvoir en disant que cela permet d’être artiste. Non. Cela peut être pendant très longtemps tout simplement dysfonctionnel et paralysant.
Une personne avec ce type de profil peut être prise de phobie sociale, de forte anxiété, être très peu à l’aise avec le groupe car envahie par les émotions des autres. Être très en difficulté dans le relationnel.
Encore une fois, le trauma dans la petite enfance laisse des traces indélébiles, des mémoires qui crient que « l’autre est un danger ». Déconditionner le corps à percevoir l’autre comme un danger demande du temps et beaucoup de travail sur soi. La présence au corps permet de déconstruire la défiance vis à vis de l’autre, des autres.
Mon invitation est d‘instaurer des pratiques corporelles de type scan corporel, méditation statique ou dynamique, yoga, pilates, danse, gym douce, taï chi qui permettent l’ancrage, la conscience dans chacune des zones du corps. On peut d’abord être guidé puis devenir autonome. L’autonomie sera progressive surtout quand on a eu l’habitude d’être dans l’hyper-mentalisation.
Ressentir ses corps permet de laisser s’écouler les émotions.
Une fois qu’on a pu réapprendre se laisser traverser par les émotions, tous les jours, l’invitation est d’installer des pratiques corporelles pour ralentir, se sentir corps et âme pleinement en phase et sentir un grand confort de vie.
Priscilla Laulan