Je fais le lien entre trauma et neurodiversité en m’appuyant sur la théorie polyvagale de Stéphen Porges. Cette théorie décrit le fonctionnement du système nerveux autonome, le sympathique et le parasympathique. Le système sympathique autonome fonctionne comme le moteur d’une voiture, il est celui qui nous met en mode action. Tandis que le parasympathique nous branche sur le mode repos. Sauf que cela n’est pas une question de choix personnel. Les système nerveux des uns des autres sont dans la majeure partie des cas dérégulés (85% des êtes humains selon Stephen Porges, 1/4 de la population serait hypersensible).
Dérégulés pourquoi ?

A cause de traumas multiples et variés qui nous arrivent à chacun dans l’enfance. Peu sont épargnés, tout simplement parce que c’est le propre de la condition humaine. Le fait d’être traumatisé situe l’être humain dans une zone d’insécurité latente constante, insécurité qui va être compensée par des parades plus ou moins efficaces, comme celle de porter des masques de protection par exemple.
Un exemple concret serait le masque du sourire : afficher un sourire poli de façade pour masquer le fait de ressentir du malaise intérieur, une confusion des sens et des émotions. Dans une société où les apparences sont mis en valeur, c’est un masque de protection qui n’est pas si rare. Quand un être est en insécurité, son système nerveux sympathique dérégulé va se situer soit en mode combat soit en mode fuite. Le combat va être associé à une dominante colère, la fuite, l’évitement à une dominante peur et tristesse, avec un fort sentiment d’oppression.

Quelque soit le mode, c’est inconfortable et désagréable. Car si le système sympathique nerveux autonome dérégulé d’une personne se situe dans la colère, ce n’est pas une colère saine qui a un objectif précis, qui est dirigée, canalisée pour atteindre un but que l’on se fixe. C’est une colère explosive qui créera plus de difficultés qu’autre chose. Dans les deux cas, le relationnel est totalement biaisé, les relations sont empêchées. Le système autonome parasympathique dérégulé se manifeste de manière très différente : Associé à la paralysie et au figement, il peut aller jusqu’au mode frein en urgence, qui force et oblige la personne à se reposer quand celle-ci ne sait pas s’arrêter. Cela se traduit par une décompensation ou par une dépression du point de vue psychiatrique.
Mais que serait alors un système nerveux autonome régulé : le passage du sympathique au parasympathique de manière harmonieuse, de manière naturelle, en respectant ses besoins, à l’écoute de ses sensations et de ses émotions. Si cela peut paraître simple à l’écrit, il n’empêche que cela n’a rien à voir avec la volonté de bien faire. Un système nerveux sympathique et parasympathique dérégulé a besoin d’une grande patience, d’une compassion infinie et d’un accompagnement spécialisé (par exemple avec la biodynamie, la thérapie psycho-corporelle, la somatic experiencing de Peter Levine...).
Quelle est l’origine de ces systèmes nerveux autonomes dérégulés ?
Une expérience de traumatisme précoce dans la petite enfance, de la négligence, violences à répétition et manque de co-régulation émotionnelle dans l’enfance. Cela va générer un processus de dissociation émotionnelle et sensorielle et par conséquent un système d’engagement social qui ne va pas pouvoir fonctionner avec un repli sur soi le plus souvent, une distanciation forte avec les autres, et une coupure de ses propres émotions pour éviter de les ressentir car vécues comme trop dangereuses.
Pour parvenir à un état de sécurité suffisante dans son corps, des exercices d’ancrage corporel sont indispensables (pratique de la conscience corporelle dans le bassin, alimentation équilibrée, marche, nage, vélo, yoga, méditation, exercices de régulation du système nerveux comme ceux qui activent le nerf vague…). Sans ça le repli sur soi peut faire penser à des traits autistiques avec des difficultés à regarder les personnes dans les yeux, avec cette propension à la fuite, à l’évitement, avec une grande difficulté à rentrer en conflit, à ne pas savoir se laisser traverser par la colère. Ce ne sont que quelques exemples.

Les profils ayant pour caractéristique de dissocier parce que traumatisés dans la petite enfance, auront beaucoup plus de difficulté à communiquer de manière claire, leur vocabulaire peut être excessivement abstrait. Ces profils sont bien davantage exposés au risque de burn-out car les limites corporelles ne sont pas bien intégrées.
Que l’on soit neurotypique ou neuroatypique, il y a un enjeu pour chacun à savoir s’auto-réguler, se co-réguler, ce qui suppose d’intégrer que l’autre n’est pas un danger. L’hyperexigence, le perfectionnisme élevé peut alimenter la dépréciation de soi et être également un facteur qui augmente le risque de burn-out.
Pour parler de ceux qui se reconnaissent dans le système nerveux autonome sympathique hyper-activé, ce sont des personnes qui ne sentent pas leurs besoins. Elles sont un peu comme lancées sur l’autoroute sans ne plus savoir s’arrêter avec un moteur en sur-régime, qui peine mais qui ne parvient à freiner par lui-même de manière consciente. Il y a une obcession du faire comme si la possibilité d’acceder à une satisfaction personnelle ou à être n’était pas atteignable.
Moi par exemple, je peux passer de longues heures concentrée sur une action sans me rendre compte que j’ai soif. Mettre son attention, sa conscience sur l’importance de ralentir, de respirer et donc par conséquent sur ce qu’on peut appeler le ventro-vagal permet de sortir du mode autoroute.
Priscilla Laulan
Priscilla Laulan