Nous sommes allés faire une visite dans la résidence d’artistes de Symphorien, qui était une ancienne résidence de la famille de François Mauriac.
Il s’agit d’un endroit où les auteurs reçoivent une bourse et se retirent pour travailler sur un projet précis. Cette résidence est normalement fermée au public, mais nous avons pu la visiter exceptionnellement.
Le chalet Mauriac dégage une atmosphère sereine qui nous a immédiatement plu. Il est entouré d’un parc de dix hectares, où des balades littéraires organisées par Malagar ont lieu. Nous avons pu nous y promener, et nous avons apprécié de pouvoir marcher en liberté. Nous avons également trouvé le chalet très beau.
Nous avons été accueillis par des membres d’ALCA qui nous ont expliqué son histoire. (ALCA, anciennement ECLA, est une association mettant en valeur les richesses culturelles de la Nouvelle Aquitaine.)
Le chalet a été construit à la demande de la mère de François Mauriac. La nièce de François, Catherine, l’a vendu à la région d’Aquitaine à condition d’en faire un lieu culturel.
Après la visite du chalet, nous avons pu rencontrer deux des auteurs qui y résident actuellement.
Nous avons d’abord parlé avec Dominique Sigaud. Après avoir été journaliste pendant dix-huit ans, elle est passée à la littérature à 40 ans, et son but est de montrer le monde tel qu’il est. Elle a arrêté d’être journaliste après s’être vue refuser un article qu’elle a écrit au péril de sa vie en Algérie dans les années 90, et s’est donc tournée vers la littérature où là, au moins, on peut tout exprimer. Le projet qu’elle veut mener à bien durant son séjour en résidence est particulièrement douloureux pour elle. En effet, elle veut parler de l’époque où elle a été journaliste pendant le génocide au Rwanda. Elle voulait ainsi être accueillie et soutenue pour écrire sur ce sujet difficile. Salomé et Charlotte ont été particulièrement touchées par cet entretien intense.
Elle pense qu’il va y avoir de plus en plus besoin de refuges pour être en paix, et cette résidence en fait partie. Il y a en plus l’avantage d’échanger de son travail avec d’autres artistes qui ont les mêmes sujets, mais pas forcément les mêmes moyens de s’exprimer. L’échange entre les cinq auteurs est très riche, cela leur permet de parler de leurs projets. Dans cette résidence, les auteurs produisent plus, car ils ont plus de temps libre et de tranquillité d’esprit. Une société qui laisse du temps libre aux auteurs est un bien pour la société en général.
Nous avons ensuite rencontré Nicolas Lacombe (ou Kurenai, son pseudo en ligne), illustrateur : il a une méthode particulière, qu’il a inventée lui-même. En effet, il travaille avec des papiers de couleur et du scotch (en rouleau industriel). Il s’agit de poser un morceau de scotch sur du papier de couleur pour obtenir des taches, des traits ou des stries. On peut parvenir à avoir plusieurs textures à l’aide d’un cutter. Sa technique a évolué depuis dix ans, elle est devenue de plus en plus fine. Il est inspiré par les estampes du dix-huitième et du dix-neuvième siècle, le mouvement est très important pour lui. Un dessin fait au scotch est toujours unique, vivant, varié.
Nicolas Lacombe a une formation Beaux Arts et Arts Plastiques : il en a profité pour tester différentes méthodes et perfectionner son travail avec le scotch (ce qui remonte depuis son enfance : ses grands-parents étaient quincaillers, ce qui lui a permis d’expérimenter avec le scotch (et de vider les rouleaux par la même occasion). Il a toujours voulu faire ce métier d’illustrateur. Il se tourne d’abord vers la BD et l’animation mais il y a trop de routine, trop de copiage à son goût, et il trouve qu’il y a plus de liberté dans le livre jeunesse. André a été particulièrement intéressé par cette méthode qu’il ne connaissait pas.
Après avoir déjeuné ensemble et fait une promenade dans le parc, nous sommes repartis vers l’après-midi. Nous avons beaucoup apprécié l’accueil des organisateurs du projet ainsi que les artistes qui ont bien voulu nous parler de leurs œuvres. Les entretiens que nous avons eus ont révélé des personnalités touchantes et passionnées, et il était évident que les artistes avaient l’air heureux d’être dans cette résidence.