
Adeline Charneau est une auteure publiée chez Nathan, rédactrice sur plusieurs blogs spécialisés dont Nature et Découvertes, créatrice de l’association Alternative Montessori et conceptrice d’outils pédagogiques, créatrice de l’Institut des Petits Pinsons et aujourd’hui fondatrice d’un nouveau type de structure : l’Institut Pinsons…
Voici le portrait d’Adeline Charneau par Ludosens
Ludosens : Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes devenue une spécialiste de l’éducation alternative ?
Adeline : J’ai un parcours quelque peu atypique, il s’agit d’un parcours de vie et de rencontre. J’ai fait des études en Arts plastiques et obtenu des diplômes en Arts Appliqués, Arts Plastiques et Science de l’Art de l’université Panthéon-Sorbonne de Paris. Mon premier métier a été graphiste (j’ai créé notamment des logos et désigné des sites web).Puis, j’ai travaillé pour l’Education Nationale auprès de classes maternelles dans la banlieue Bordelaise. J’ai contribué ainsi au développement d’un pôle artistique en proposant des ateliers liés au socle commun de compétences. Cela a duré plusieurs années.
C’est dans ce contexte là que j’ai re-commencé à m’interroger sur le système éducatif : je trouvais que les enfants étaient très dirigés, même en arts plastiques que ce soit en termes de « liberté d’expression » (beaucoup d’attentes sur le travail, recherche du « beau » et de l’esthétique au détriment de l’expression personnelle) ou dans leur quotidien, de par le rythme imposé (Aller aux toilettes et en récréation tous en même temps, aucune place pour l’enfant de se créer un rythme et une organisation). Le défaut de remise en question sur les méthodes utilisées relevait parfois d’un réel manque de bienveillance, tout involontaire qu’il soit.
Ludosens : C’est là où vous avez commencé à chercher d’autres méthodes ?
Adeline : Oui, j’ai commencé à repérer les alternatives en éducation. Pour approfondir mon cheminement et nourrir ma réflexion je me suis intéressée à de nombreux pédagogues, des philosophes également, des mouvements alternatifs et pratiques bienveillantes (pour en citer quelques-uns : John Holt, Ivan Illich, Maria Montessori, Emmi Pikler, Krishnamurti, Albert Jacquard ou encore l’éducation lente, l’éducation globale, les apprentissages autonomes ou l’approche Reggio …). Ma démarche n’est pas dogmatique, je suis toujours enthousiaste et partante pour découvrir de vraies initiatives, telles qu’elles soient et en y adhérant – ou pas.
J’ai même suivi des formations pour comprendre la pédagogie Montessori. Et à l’époque, c’était compliqué : il n’y avait qu’un seul forum internet sur le sujet, le matériel devait être fabriqué ou acheté en Allemagne…j’avais décidé de me former dans plusieurs centres de formations pour me faire une idée de tout le panel d’interprétation de cette pédagogie.
Puisque l’accès à cette pédagogie était réduit en France, j’ai créé un blog pour la faire découvrir aux parents au fur et à mesure de mes propres découvertes. J’ai commencé à avoir de la visite et de plus en plus de manifestations d’intérêt des parents, c’est pourquoi j’ai fondé l’association Alternative Montessori, dont l’objectif était de diffuser cette pédagogie mais aussi et surtout, la bienveillance éducative, par le biais d’ateliers et dans une dynamique d’échange et de partage.
Puis, j’ai commencé à développer mes propres outils. Par exemple, certains enfants posaient des questions sur la notion du temps, et j’ai créé plusieurs outils en fonction de ce dont ils avaient besoin, pour y répondre. Je pars de l’intérêt de l’enfant, de sa propre motivation pour proposer des choses, sans jamais imposer un apprentissage.
Là encore, de nombreux parents qui avaient entendu parler de mes outils, souhaitaient se les procurer ; j’ai alors fondé un site internet pour diffuser ces outils que je crée (www.labo.education). J’ai été mise en contact avec l’éditeur Nathan grâce à une amie qui y travaillait, et cela m’a permis de démocratiser mes outils et certains matériels Montessori.
Ludosens : Vous parlez de « panel d’interprétation » de la pédagogie Montessori. Comment diriez-vous que vous vous situez sur ce panel ?
Adeline : J’avoue que certaines façons de faire me plaisent plus que d’autres, c’est une question de sensibilité. Parfois dans certaines écoles Montessori, on y retrouve l’esprit de compétition et l’idée de performance, je ne me reconnais pas dans cette application. De la même façon, il y a des gens qui ne pratiquent que le Montessori « pur et dur », alors que d’autres personnes prônent une application plus souple. Mais encore une fois, le but n’est pas de stigmatiser certaines pratiques, chacun doit avoir accès à une école ou une manière de faire qui correspond à ses valeurs personnelles. Et puis, il n’y a pas que Montessori dans l’éducation alternative !
Je pourrais blâmer les initiatives qui se sont créées sur un « effet de mode » et dont les motivations sont plus ou moins défendables. Concernant les écoles alternatives, j’encourage toujours tous les parents à prendre les devants lorsqu’ils y inscrivent leurs enfants : allez visiter l’école, demandez à rencontrer l’équipe enseignante (plusieurs fois…) pour se faire une idée plus précise etc…
Ludosens : Vous êtes « pro-Montessori » ou vous valorisez d’autres approches pédagogiques ?
Adeline : Je ne suis pas du tout Pro-Montessori !!
Ma devise est d’ailleurs « Il n’y a pas une méthode, il y a un enfant », et par « méthode », il faut entendre méthode « clé en main » et pédagogie, je le souligne je ne suis pas dogmatique.
D’ailleurs, j’aurais dû communiquer sur d’autres courants qui me plaisent autant voire plus que Montessori, car cette étiquette est encore difficile à enlever. Montessori devient un nom de plus en plus connu et le côté marketing et ses applications d’un Montessori type « méthode clé en main » en inhibent la philosophie, je trouve cela dommage.
J’ai fondé l’Institut Des Petits Pinsons (IDPP), mon « laboratoire » d’expérimentation pour justement mettre en pratique toutes mes réflexions et mes hypothèses. L’IDPP était un lieu d’accueil des enfants-parents (Grands-parents, assistants maternels), ouvert dans un grand espace composé de plusieurs « aires d’apprentissage ».
Bien sûr, j’observais les enfants conjointement avec leurs accompagnateurs et je prenais en compte les observations et les remarques pour développer les meilleurs espaces possibles.
Je craignais que « l’abandon » de Montessori, nominalement, effraie les parents mais c’est plutôt l’inverse, ils semblaient plus à l’aise avec l’ouverture d’esprit prônée.
Ludosens : Les parents sont-ils contents de l’expérience ? Le projet va-t-il évoluer ?
Adeline : Les retours ont été plutôt très bons. Une maman m’a dit que je lui avais donné des « graines de réflexion » sur l’éducation et le développement de l’enfant, qu’elle avait prises dans sa main, et qu’au fur et à mesure de ses réflexions elle les arrosait et voyait germer de nouvelles réflexions pleines de sens, éloignées du jugement et des normes imposées… Toute une métaphore qui m’a fait très plaisir !
D’ailleurs, les retours sont tellement bons que l’IDPP va devenir une école pour les enfants de 2 à 6 ans, dès cet automne! Il s’agit de l’Institut Pinsons, sous format associatif, dont le tarif est calculé en fonction des revenus afin qu’un maximum de parents puissent inscrire leur enfant. Le projet vise à s’agrandir dans les prochaines années.
L’Institut Pinsons est structure éco-responsable que je nomme « globale » car en plus de favoriser l’élan de curiosité des enfants, elle englobe tous les aspects de la vie au sens large, de la nourriture (sujet sur lequel on fait évidemment participer les enfants, avec des ingrédients issus de l’agriculture biologique et locale) aux produits d’entretien sain.
Mais je ne peux pas vous dire quel sera le programme : nous partons de l’intérêt de l’enfant et de sa motivation comme base pour les apprentissages ! Sans oublier l’implication des parents, qui pourront d’ailleurs proposer d’animer des ateliers dans leurs domaines de compétence. Et les enfants auront un accès illimité sur un jardin ouvert!
Ludosens : Et en dehors de l’école, y-a-t-il des choses de prévues ?
Adeline : Bien sûr ! Il y a déjà le jardin dont je viens de parler. Ce n’est pas seulement un nouveau type d’école, car il y aura des ateliers, des conférences, des formations ouverts à tous sur des thèmes variés liés à l’éducation, à la parentalité, l’écologie…. Et comme l’institut Pinsons s’inscrit dans une évolution, il y aura un centre de recherche sur les pratiques éducatives.
Des convictions et des valeurs que je souhaite transmettre et diffuser.
Au-delà de ça, il y a beaucoup à faire sur la communication pour étendre le débat sur ce que devrait être l’école, sur sa nécessité de la faire évoluer et comment, ou de repenser complètement le système éducatif …
Ludosens : Ça fait beaucoup à faire ! D’autres projets à réaliser à côté ?
Adeline : Oui, je réalise de nouveaux outils, je continue des projets avec les éditions Nathan et je reçois des propositions de partenariat notamment pour rédiger des articles spécialisés.
Et afin de compléter mon champ d’application et de recherche, j’ai commencé une formation universitaire (équivalent à un master) en neurosciences éducatives.