
Cécile Bahier, vous êtes thérapeute par le jeu. Pouvez-vous nous expliquer votre parcours ?
Ayant fait une partie de ma carrière au sein de la protection de l’enfance, j’ai souhaité, après une formation de psychanalyste, m’ouvrir et me former à différentes techniques adaptées à la prise en charge des enfants car je suis persuadée qu’on ne peut pas accompagner un enfant avec les mêmes techniques que les adultes.
Dans le monde anglo-saxon, cette révolution a eu lieu il y a plus de 30 ans maintenant et ils ont su développer des techniques thérapeutiques dédiées aux enfants.
La thérapie par le jeu est une de ces évolutions qui se base sur l’élan naturel de l’enfant et sur sa capacité à exprimer sa dynamique propre à travers ce média.
Mais il ne s’agit pas seulement de jouer ou de regarder jouer l’enfant. C’est une véritable technique de décryptage et d’accompagnement thérapeutique. Malheureusement cet enseignement et peu diffusé en France et j’ai pour ma part suivi cette formation au Québec.
Mon engagement vient aussi de la conviction qu’il faut agir le plus tôt possible auprès des enfants afin que ne s’installent pas des troubles et des modes de fonctionnement qui gênent son épanouissement. Les problèmes sont souvent moins lourds et moins installés qu’il n’y parait, et c’est souvent le non dit ou le contournement du symptôme qui donnent de l’ampleur au dysfonctionnement initial. L’idée est donc au travers de la thérapie par le jeu de rendre accessible et de banaliser le recours à un thérapeute pour les enfants, y compris petits. Car cette technique s’adresse aux enfants dès 3 ans. Elle s’adapte aux pré-adolescent sous forme de jeu de rôles, de contes, d’écriture etc …
– Comment en êtes-vous venue au jeu pour accompagner la construction de la personnalité des enfants ?
Le jeu s’impose comme une évidence car il permet une mise en relation rapide et plaisante pour l’enfant. Ceci lui permet de se sentir à l’aise et de laisser tomber ses appréhensions dans les premières minutes de l’entrée en contact avec le thérapeute.
Ensuite, le jeu agit comme un révélateur des mécanismes psychiques. Il est une fenêtre sur l’inconscient et les difficultés ou soucis de l’enfant se révèlent spontanément.
Le jeu permet alors l’expulsion des tensions par l’action et par la parole.
Enfin, le jeu devient le vecteur de la résolution des conflits psychiques par les propositions que fait le thérapeute au travers du jeu.
C’est donc un travail en profondeur qui s’opère par cette technique avec un effet durable puisque les conflits inconscient sont mis à jour et résolus.
– Quels types de jeux plébiscitez-vous ?
Les jeux les plus efficaces en matière de thérapie sont ceux qui font intervenir l’imagination, la création de petits scénarii, les jeux de rôle, de marionnettes. Car ils permettent l’expression libre. Mais il est parfois très utile de proposer d’autres jeux, davantage axés sur des règles à respecter, un effort de concentration ou d’adresse.
Pour certains enfants, la manipulation est importante et la pâte à modeler, les kapla ou d’autres jeux faisant appels au sens du toucher sont adaptés dans ces cas là.
Je privilégie aussi beaucoup les jeux sur le thème des émotions car il est important et utile pour un enfant de découvrir, de décrypter et de manier les émotions.
– Quels sont les conseils que vous donneriez aux parents autour du jeu ?
Celui de jouer avec leur enfant mais également de le laisser jouer seul car l’effet libératoire du jeu n’est pas le même en présence ou non d’un parent. L’imaginaire de l’enfant doit à certains moments pouvoir se déployer sans interférence.
Il faut aussi le laisser jouer avec des jeux qui favorisent l’élaboration libre en évitant tout ce qui est préprogrammé et bien sûr ne pas abuser des écrans car les jeux qui y sont proposés accaparent beaucoup l’imaginaire des enfants en augmentant leur niveau d’excitation.